Ahmed Benothmane 10/10/2022
CHRONIQUE
Bien que je sois encore jeune, je suis de ce lui qui ont pu acheter leur première maison à un prix dans les cinq chiffres. Même si une correction peut se concrétiser dans certains marchés, avec la hausse des taux hypothécaires et une probable récession, les prix immobiliers actuels ont de quoi faire réfléchir bien des parents sur la possibilité pour leurs enfants de devenir propriétaires.
C’est justement ce qui interpelle Martin , qui nous écrit : « Avec la montée des prix de l’immobilier, je vois mes enfants se questionner sur leur capacité à devenir propriétaires. Ils ont 22 et 28 ans et sont nouvellement entrés sur le marché du travail. Quelle est la meilleure façon de les aider financièrement à réaliser leur projet de s’acheter une première maison ? ».
La première question qui s’impose en pareil cas est la suivante : avez-vous le cœur plus grand que le portefeuille ? Si l’aîné de notre lecteur sollicite son aide pour accéder à la propriété, il est probable que son autre enfant lui présente un jour ou l’autre une demande similaire. Martin devra ainsi avoir une discussion franche et ouverte avec tous ses enfants et, par la suite, revoir la planification de sa succession afin de préserver une certaine équité entre eux.
Notre lecteur devra aussi examiner sa propre planification financière avant d’aller plus loin. Même s’il a le cœur sur la main, un père responsable doit évaluer s’il peut bel et bien venir en aide à ses enfants sans se mettre à risque. Détient-il suffisamment d’actifs pour financer les décaissements prévus à sa retraite ? A-t-il soumis ses plans à des tests de solidité, en supposant une vie plus longue qu’anticipée, des rendements moins élevés que prévu ou une explosion du coût de sa propre vie, par exemple ?
Le bon moment pour devenir propriétaire ?
Autrement dit, l’aide que Martin pourra fournir à ses enfants devra tenir compte de sa propre sécurité financière. Pour certains, un important patrimoine fait en sorte que la question ne se pose pas. Mais pour d’autres, la réponse n’est pas si claire que ça : elle nécessitera certains choix, une bonne réflexion et des conseils de votre planificateur financier.
Voici quelques pistes que notre lecteur pourrait explorer pour aider ses enfants à accéder à la propriété.
Endossement ou copropriété.
L’endossement du prêt, ou le fait de devenir copropriétaire avec son enfant, est sans conteste l’option la plus risquée. Les parents deviennent alors solidairement responsables de l’entièreté de l’emprunt réalisé par leur enfant. Cette option influera aussi sur leurs propres ratios d’endettement, ce qui peut restreindre d’éventuels projets d’affaires ou d’acquisition immobilière.
Don d’argent.
Les parents peuvent faire un don en argent à leur enfant majeur. Il est généralement recommandé de prioriser des liquidités dans un compte non enregistré ou un CELI avant de toucher à un REER.
Dans le cas d’un compte non enregistré, l’état des marchés des derniers mois devrait d’ailleurs inciter notre lecteur à en profiter pour réviser son portefeuille d’investissements, et potentiellement recourir à une stratégie de pertes en capital à des fins fiscales. Le don devrait aussi être notarié afin de le rendre insaisissable par les créanciers de l’enfant, et permettra d’en faire un bien propre dont la valeur et la plus-value seront exclues d’un partage de bien si un jour il y avait rupture d’union chez l’enfant.
Prêt d’argent.
Il est aussi possible de prêter de l’argent à vos enfants afin de prendre en garantie le bien acheté. Si vous choisissez cette option, vous devez revoir votre testament et prévoir ce qu’il adviendra en cas de décès. Votre enfant sera-t-il libéré de cette dette ? Sa part de votre succession sera-t-elle modifiée en conséquence ? Cette option est à envisager si votre patrimoine est important, et vos liquidités élevées.
Don d’équité.
Vous souhaitez emménager dans un espace plus petit ? Vous pourriez transférer votre maison à votre enfant à un prix avantageux. L’écart entre la juste valeur marchande de la maison et le prix convenu sera cédé à l’enfant afin de lui fournir la mise de fonds ou de la bonifier. Une stratégie qui pourrait gagner en popularité — et qui fera l’objet d’une prochaine chronique.
En terminant, une dernière question : est-ce réellement le bon temps pour devenir propriétaire ?
Car même si Martin est convaincu de sa capacité financière, cette importante question vaut la peine d’être posée. Il ne ferait pas de cadeau à ses enfants si son don ou son prêt leur permettait d’acquérir une maison hors de leurs moyens. Et si le projet est envisagé sur un plus long horizon, le don en argent pourrait bientôt présenter de nouveaux avantages en raison de l’implantation du nouveau CELIAPP (compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété), prévue en 2023.
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